Euro-fiasco
Le non l'a emporté en Irlande, par 53.85% des suffrages exprimés, mettant un nouveau coup de frein à la construction européenne.
Le souvenir du "non" français et du "nee" néerlandais a ressurgi là où on l'attendait peu : en Irlande, véritable miracle économique des années 1990 nourri à la subvention européenne. Pour rappel, depuis 1993, le Tigre celtique connaît une croissance supérieure à 5%, avec un pic à 10% en 2000. Ce boom économique avait été utilisé comme preuve des bienfaits européens pour arracher un oui lors du referendum sur le Traité de Nice en 2002. Mais, pour celui de Lisbonne, l'argument n'a pas eu l'effet escompté. Pis, l'effet inverse s'est produit.
S'il est difficile de décrypter les raisons du "no", tant la complexité de ce type de phénomène est grande, il est possible d'avancer quelques pistes.
D'abord, dans un pays en plein coup de frein économique, les couches défavorisées ont rejeté un traité dont elles estimaient qu'il ne répondait pas à leurs préoccupations quotidiennes. Paradoxalement, les bénéficiaires du développement économique irlandais se sont également dressés en nombre face au Traité de Lisbonne. L'organisation Libertas, fondée par le milliardaire irlandais Declan Ganley, s'est opposée à toute harmonisation fiscale et sociale, de peur de perdre la valeur ajoutée du modèle économique local qui a attiré tant d'entreprises étrangères. D'autres, fervents défenseurs de la neutralité irlandaise, se sont sentis menacés politiquement, notamment par la mise en place d'une Europe de la Défense. Autres opposants virulents : les groupes religieux. Ces derniers ont su faire vibrer la corde conservatrice d'une partie des Irlandais en agitant le spectre d'une légalisation de l'avortement ou du mariage gay.
Toutes ces réticences ont fait ressurgir les différences qui subsistent entre les nations du Vieux Continent. Comment concilier les mœurs des Pays-Bas, de l'Irlande et de la Pologne ?
A priori, la tâche relève de la gageure. Le problème se pose d'autant plus depuis l'élargissement de l'Union à 25 en 2005, puis à 27 l'an dernier. Dés lors, c'est toute une manière de procéder politiquement qu'il faudrait repenser : celle du vote à l'unanimité. Car on ne gouverne pas à 27 comme on le faisait à 15…